Une porte se referma dans un petit claquement, et Yuuki soupira enfin. La réunion était enfin terminée! Depuis trois heures, elle croupissait dans cette salle, avec le Conseil, pour délibérer sur un fait divers qui avait marqué les scientifiques de la Cité quelques jours auparavant. Le Portail Interdimensionnel n'avait plu été traversé depuis quelques mois, et les femmes savantes se demandaient s'ils restaient encore quelques femmes sur Terre. Une longue discussion s'en était suivie, et l'aînée des Dirigeantes avait tenu bon, jusqu'au bout. Elle était maintenant libre pour quelques heures, jusqu'à son prochain rendez-vous.

Grimpant les marches en marbre de l'escalier, elle traversa le couloir, saluant les domestiques au passage, et poussa la porte de sa chambre. Se laissant tomber sur son lit, elle ferma les yeux et se laissa emporter par le sommeil qui commençait déjà à la gagner. Une horrible migraine lui broyait le cerveau. Elle n'eut pas le temps de sombrer totalement qu'un coup retentit à la porte. Invitant à entrer la femme qui se trouvait de l'autre côté, elle ne bougea cependant pas de sa position, et écouta ce que l'autre avait à lui dire. Un grognement agacé s'échappa de sa gorge lorsqu'elle comprit qu'elle était encore d'astreinte. Sa cadette était occupée ailleurs, et c'est elle qui devrait régler ces broutilles. Comme si elle n'avait que ça à faire. Se redressant donc, elle sortit de sa pièce privée et suivit la garde jusqu'au bureau des dirigeantes. S'asseyant sur son trône, au fond de la pièce, elle étouffa un bâillement et attendit que la coupable de cette histoire arrive.
Ce qui ne prit pas plus de cinq minutes. La porte s'ouvrit vivement, et Yuuki observa la jeune femme, traînée par deux gardes. L'une d'elle lui résuma la situation, et la Reine soupira, désespérée. Posant son regard azuré sur celle que l'on accusait, elle la dévisagea un moment, avant de tenter de prendre la parole. Chose qu'elle ne pu, puisque la jeune fille la devança et prétexta qu'elle se défendait simplement. Fronçant les sourcils, son regard se fit plus sévère et dur, et Yuuki se massa les tempes, agacée. D'un ton calme, elle répliqua:

« Personne ne t'a demandé de parler pour le moment. La moindre des choses est de saluer lorsque l'on s'adresse à quelqu'un. En particulier à l'une de ses Reines... »

Lui jetant un regard presque peiné par cet affront, elle grimaça, et posa son bras sur l'un des accoudoirs. Croisant les jambes, un pan de sa robe glissa et dévoila une portion de sa cuisse. N'en tenant pas compte, elle fit signe aux deux gardes de sortir et se retrouva seule avec la coupable. Son visage se détendit et elle reprit:

« Pourquoi voulais-tu t'approcher, et peut-être traverser le Portail? Tu ne sais pas que c'est dangereux? Il se pourrait même qu'il soit en panne en ce moment, tu aurais pu tomber dans une autre galaxie, ou même coincée à vie entre deux dimensions... Ce n'est pas prudent, et ce n'est pas pour rien s'il est interdit de s'en approcher. »

Son ton s'était presque fait maternel, comme si elle cherchait à la protéger, comme chacune des habitantes. Fermant les yeux une fraction de seconde, elle soupira de nouveau et lui fit signe de s'approcher jusqu'à la volée de marche qui menait aux deux trônes, avant de la dévisager de nouveau.

Levant les yeux au ciel, dans un sourire mi-amusé, mi-exaspéré, la jeune Reine regarda la petite coupable se défaire de ses liens. En l'observant attentivement, elle remarqua une petite bouille d'ange, bien mignonne, encore enfantine, mais qui trahissait un âge sensiblement près de celui de Yuuki. Et pourtant, l'une était citoyenne, l'autre Reine.

Passant une main dans ses cheveux pour remettre une mèche à sa place, Yuuki se redressa sur son trône, prenant une posture plus convenable à son rôle, et écouta le récit de la jeune fille. Apparemment, son discours sur les dangers de ce portail avait porté ses fruits, car la petite semblait déjà regretter son geste et s'excusait. Lui adressant un signe de tête, pour lui faire comprendre que ce n'était pas si grave tant qu'elle avouait son crime, l'aînée des dirigeantes fut néanmoins surprise par sa réaction. La « prisonnière » rougit violemment, et tout en lui avouant hâtivement qu'elle n'était pas si méchante que ça, et que l'on voyait un bout de sa cuisse, elle se retourna, gênée.
Haussant les sourcils, Yuuki sourit largement avant de rire franchement. Rajustant le pan de sa robe pour camoufler sa peau opaline, elle se racla la gorge pour reprendre son sérieux et resta attentive à la suite.

Ayant apparemment retrouvé une contenance crédible, la coupable faisait de nouveau face à la Reine, et demandait maintenant s'il y avait quelque chose qu'elle pouvait faire pour le Palais ou ailleurs. Une main sur le menton, l'Hideko réfléchit un instant avant de demander:

« A en juger par ton arme, tu dois être une Etsuko n'est ce pas? Huuum... »

Elle grimaça et se leva. Contournant les deux trônes, elle se plaça face à la grande fenêtre qui donnait sur la Cité, les mains dans le dos. Il y avait tant de chose à faire à Amaterasu, mais elle ne savait que lui proposer. Un détails pourtant, la fit reprendre conscience de son rôle de gouvernante.

« Avant de te trouver quelque chose à faire, tu dois écouler ta peine. Malgré que tu regrettes ce que tu a fais, ton geste reste une violation de la loi. Et ce genre de chose est puni. »

Soupirant, elle revint s'installer sur son trône, croisant de nouveau les jambes et tapota des doigts son accoudoir. Cette petite n'avait pas l'air bien méchante, et si elle avait violé le règlement, c'était surtout pour se distraire que pour une cause vraiment volontaire qui relevait de la méchanceté. Se mordillant la lèvre tout en méditant sur ce qu'elle pourrait lui faire faire, elle ne la quitta pas des yeux, l'observant dans les moindres détails.
Finalement, se levant vivement, elle descendit les quelques marches et s'arrêta à sa hauteur. Tout prêt d'elle. La jaugeant une petite seconde, elle fit le tour de la jeune fille pour la voir dans ses moindres détails et finit par dire:

« Je suppose que ton geste n'était pas mauvais dans le fond, alors je ne vais pas te faire subir la semaine de cachot obligatoire et autres punitions très désagréables. Par contre, tu y auras droit aujourd'hui. Demain matin, les gardes viendront te chercher, et je t'emmènerais à un lieu où tu travailleras et donneras un coup de main durant quelques jours, afin d'expier ta faute. Compris? »

Lui adressant un petit sourire rassurant, elle lui caressa le crâne affectueusement et lui adressa un clin d'œil.